Quand je regarde ses peintures, quand je discute avec lui, je ne puis m’empêcher de penser à ces scientifiques qui sondent les fonds des mers et des océans. Lui, pourtant, sonde l’Âme dans sa singularité profonde comme dans sa pluralité, intercepte son essence et caresse ses reflets à coups de pinceaux tantôt énergiques, tantôt langoureux.

Artiste peintre franco-marocain, Karim Rhrich naît le 15 septembre 1987 à Sefrou, au Maroc. Attiré par le dessin et les couleurs depuis tout enfant, ses crayons et ses stylos le fascinaient et provoquaient en lui de vives émotions. « Bien avant ma scolarisation, mon attirance vers l’arc-en-ciel était très forte. Ses gigantesques dimensions dans le ciel et les nuances de ses couleurs me remplissaient de bonheur », s’en souvient-il encore. Et c’est ainsi qu’au fil de petits dessins que les petits camarades de Karim trouvaient bizarres- les couleurs s’enracinèrent dans tout son être.

À 14 ans, il peint son premier tableau. Un tableau qui, toutefois, n’a jamais été exposé, l’artiste en herbe étant, à cette époque, assez pudique pour mettre à nu son âme devant les autres.

À partir de là, Karim Rhrich commence à sérieusement s’intéresser à la peinture, et ce à travers la lecture. « Je puisais mes lectures dans la bibliothèque de mes parents. Une riche bibliothèque. J’ai lu beaucoup de livres sur l’art et la peinture. Francis Bacon et Vincent Van Gogh m’ont particulièrement séduit », confie-t-il. La lecture accouchant de questionnements, et les questionnements poussant à la réflexion, l’artiste peintre entame alors cette introspection qui transcende les frontières du matérialisme. Une introspection à laquelle il s’abreuve, croisant les fers à la fois avec la science, la philosophie et la spiritualité. La quête de l’Âme commence.

« Migration 2.0 »

Nous sommes à une époque où la société devient de plus en plus matérialiste et consommatrice. Karim Rhrich se pose toujours des questions. Il s’interroge sur sa mission dans ce monde. C’est là qu’interviennent ses origines amazighes et, plus précisément, la fiction du tapis d’art amazigh. « Ce n’était pas pour défendre une quelconque cause. Mais les dessins sur ces tapis, tout comme les tatouages sur la peau de ma grand-mère maternelle, ne me laissaient pas indifférent », avance-t-il. Un intérêt qui, spontanément, renforce son amour des couleurs, au point de confondre et d’associer ces dernières aux sentiments. La quête de soi n’est jamais loin. Et la passion non plus.

Karim Rhrich entame une série de tableaux intitulée « Migration 2.0 ». « Je suis l’âme (ton âme, son âme, mon âme). Je nais dans une enveloppe charnelle. Je grandis au fil du temps. J’acquiers expérience, connaissance et sagesse. Je suis incarné par une infinité de couleurs. Chaque couleur traduit mes sentiments et mon état d’être… », se définit-il à travers ses œuvres. Et la migration des animaux est sa source d’inspiration. Pas de frontières à ne pas dépasser, pas de perception étriquée du monde, aller, libres, au gré de la vie. S’élever. Toujours plus haut. C’est la migration de l’âme, aussi. « Toutes ces silhouettes qu’on voit dans mes tableaux sont, en fait, une seule et même personne. Et plus l’âme de cette personne s’élève, plus elle devient unique », explique notre artiste peintre, non sans émotion.

Quand le recyclage et la spontanéité enfantent la beauté

Karim Rhrich est un artiste peintre autodidacte. Après la bibliothèque parentale, sa passion pour la peinture l’amène à faire des recherches plus poussées, notamment sur Internet. Et la magie opère quand il s’essaie à l’abstrait. Puis de là à l’abstrait impressionniste, il n’y a qu’un pas que l’artiste franchit les deux pieds joints. Ö bonheur ! La plénitude après le manque. « Je peins pour moi, en premier lieu. Pour m’exprimer. Extérioriser. Et je suis satisfait après chaque création, même si je ne me pose pas spécialement la question si c’était un bon travail ou non », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Les sujets de mes tableaux ne sont pas préparés à l’avance. Les choses se précisent pour moi au fur et à mesure que j’avance dans mon travail, notamment pour ce qui est du choix des couleurs et des matériaux ».

Et s’agissant de matériaux, Karim Rhrich a une façon de voir et de faire bien particulière, qui laisse penser que tout, dans sa tête, s’imbrique à la perfection. Car l’artiste qu’il est, n’est pas non plus indifférent à la préservation de la nature et de l’environnement. En effet, pour ses toiles, il choisit de recycler de vieux draps. « Ma démarche est purificatrice et engagée. Il s’agit de la migration des matières avant celle de l’âme », aime-t-il dire. Il ne conçoit pas qu’on fabrique des millions de toiles en utilisant tout un tas de machines et de produits chimiques, alors qu’il suffit de recycler ces « tonnes de draps qu’on jette quotidiennement ». En effet, pour ce passionné des couleurs, un art qui ne respecte pas la nature n’en est pas un.

Et son art à lui est une thérapie. Une technique alliant de la peinture à l’huile et de la peinture acrylique, ainsi que des fils de pêche, donne naissance à des œuvres qui apaisent les âmes et adoucissent les mœurs. « Si mes toiles avaient un pouvoir, j’aurais aimé qu’elles rendent tout le monde sensible à ce qu’il se passe autour de nous. La migration n’a pas de couleur, mais chaque couleur a sa migration », conclut Karim Rhrich qui, par ailleurs, a exposé en France, à Monaco et au Maroc.

Meriam SADAT